Plan du plateau de Gizeh, John Legon à t’il vu juste ?

John AR Legon est un chercheur indépendant, qui à déjà publié dans la revue d’Égyptologie allemande Göttinger Miszellen 124 (1991) par exemple. Il a publié de nombreuses recherches sur la géométrie et la métrologie des anciens Égyptiens. Vous pouvez trouver l’essentiel de ses publications ici.

L’idée de cet article m’est venue d’une émission proposée par l’apprentissage à propos du plan d’implantation du plateau de Gizeh. Comme beaucoup de chercheurs, j’ai tenté de comprendre le plan qui sous-tend la logique de la position des pyramides. De nombreux auteurs ont essayé de comprendre la logique du plateau de Gizeh. (Georges Vermard, Jim Alison, Michel Seladoux, Yvo Jacquiers, J Legon….) Toutefois, même en m’appuyant sur les relevés précis de Flinders Pétrie et revisitée par Glen Dash, je ne trouve pas de plans dont la cohérence et la fiabilité me semblent satisfaisantes. Le chercheur qui me semble avoir le plus avancé et qui propose un plan global à partir d’explication simple est John AR Legon. Bien que très convaincant, son article me posait un problème et me pose toujours un problème, car les observations de terrain depuis Google Earth ne correspondaient pas exactement à ce que Pétrie nous a laissé comme plan du plateau. Est-ce qu’une erreur s’est glissée dans le plan ? Si ce n’est pas le cas, J AR Legon à probablement raison, mais si c’est le cas, il nous faut repartir de ZÉRO. Voici la question que je propose d’ouvrir.

Intéressons-nous à une publication en particulier. J Legon a proposé à partir des relevés d’arpentage de Pétrie une interprétation des stratégies géométriques qui sous-tendant la position des trois pyramides du plateau de Gizeh. Cette publication est majeure, car elle constitue une excellente démonstration de l’usage de géométrie pour disposer les pyramides. La géométrie déployée reste simple et pratique, faisant intervenir des carrés, des diagonales de carrés ou de rectangle. On y découvre des nombres irrationnels tels que 1,414 = √2 et 1,732 =√3. Si ces nombres peuvent découler du traçage géométrique, J Legon à démontré dans un article à propos de la pyramide rhomboïdale que les changements de pente impliquent le nombre 89,9 sur 110,1 qu’il retrouve sur le plateau de Gizeh sous la forme de 1101 coudées et 899 coudées. Le rapport 1101/899=√3 / √2. Ce qui laisse entrevoir la maitrise numérique de ces nombres irrationnels.

Voyons comment J Legon à procédé.

Il s’est appuyé sur les plans de Pétrie, et à essayer de comprendre la géométrie qui sous-tend les positions relatives des 3 pyramides les unes par rapport aux autres.

La distance nord-sud, du côté nord de la Grande Pyramide au côté sud de la Deuxième Pyramide, est de 1101 coudées, soit seulement 0,1% de plus que le chiffre rond de 1100 coudées. Cela correspond à 2 fois 1⁄2 la longueur du côté de la Grande Pyramide, qui est de 440 coudées ;

J AR Legon, Le plan au sol des Pyramides de Gizeh, page 3

Cette proposition est intéressante. Toutefois, J Legon mentionne qu’il n’y a pas 1100 mais 1101 coudées de 52,375 cm, soit 576,65 mètres. Ce qui est très proche des valeurs données par Glen Dash, à savoir 577,15 m ± 0,15 et 576,66 m d’après le plan de Pétrie. Pour Legon, c’est parce que la seconde pyramide mesure 411 coudées et non 410 que l’on trouve 1101 coudées au lieu de 1100 attendu si l’on multiplie 440 par 2,5. Cette proposition est recevable.

La seule remarque que l’on peut opposer, c’est que la coudée royale ne mesure pas 52,375, mais 52,36 cm si l’on s’appuie sur la base de la grande pyramide. Or, cela induit une petite correction de 1101,34 coudées au lieu de 1101. Est ce grave ? A ce stade il est difficile de le dire.

En ce qui concerne les dimensions le long de l’axe est-ouest, selon les mesures de Petrie, la distance du côté ouest de la Grande Pyramide au côté ouest de la Deuxième Pyramide est de 624 coudées. Avec encore un ajustement d’une coudée, par conséquent, cette dimension peut être assimilée à une valeur initiale de 2 1⁄2 x 250 coudées exactement ou 625 coudées, que l’on peut rapprocher de la distance de 2 1⁄2 x 440 ou 1100 coudées le long de l’axe nord-sud.

J AR JEGON Le plan au sol des Pyramides de Gizeh, page 4

Ici, J Legon suggère que la valeur de 624 coudées a aussi été ajustée par rapport à une valeur théorique de 625 coudées, soit 2,5 fois 250 coudées.

J Legon propose donc le plan ci contre comme étant le projet théorique de l’implantation du plateau de Gizeh. Ce plan s’appuie sur les mesures de terrain effectuée par Pétrie. La base du plan repose sur l’écart nord sud de 250 coudées entre Khéops et Khéphren, et sur la base de 440 coudées de la grandes pyramides. A partir de là, 1101 coudées correspondent à 2,5 fois la base de la grandes pyramides (440 x 2,5 = 1100). 624 coudées correspondent à 2,5 fois l’espace entre Khéops et Khéphren (250 x 2,5=625). Un ajustement d’une coudée explique que l’on retrouve 1 coudées en trop et une en moins. Quant aux 353,5 coudées pour placer Mykérinos elles sont le produit du rabattement de la diagonale d’un carré de 250 coudées. (250x√2=353,5)

J Legon suggère que l’on a utilisé un carré de basse de 1000 coudées pour déterminer les dimensions de base du rectangle qui encadre les 3 pyramides. Voir l’image suivante pour comprendre. C’est pour cette raison que d’après le plan de Pétrie et les analyses de J Legon on trouve 1417,5 coudées sur l’axe Est-Ouest et 1732 sur l’axe Nord-Sud. Cette dernière valeur de 1000√3 étant exactement 1732 coudées, elle est moins précise sur la √2 puisqu’on trouve 1417,5 coudées au lieu de 1414.

D’après le plan de Pétrie il y a 907,11 mètres depuis la face nord de la grande pyramide jusqu’à la face sud de la petite pyramide de Mykérinos. Soit 1731,96 coudées de 0,52375 m, ou 1732,45 coudées de 0,5236 m. Quant au plan de Glen Dash il donne 908 m ± 0,2, soit 1734,14 coudées de 0,5236 m. Quant à la distance d’Est en Ouest, le plan de Pétrie donne 742,38 m soit 1417,8 coudées de 0,5236 m, contre 741,60 ± 0,2 pour Glen Dash, soit 1416,3 coudées de 0,5236 m.

Enfin, pour terminer, J Legon propose une observation mettant en jeu le nombre 899 coudées pour placer le coin Sud-Ouest de la petite pyramide de Mykérinos. Voici en image sa proposition.

Bilan

Je dois reconnaitre que la proposition de J AR Legon est remarquable, les marges d’erreur du plan théorique qu’il propose par rapport au plan de Pétrie ou de Glen Dash sont très faibles et peuvent être négligée. Il y a 1 à 3 coudées d’erreurs pour déterminer les limites extrêmes des 3 pyramides. C’est très peu. Toutefois, est-ce que le relevé original de Pétrie ne comporte pas une erreur qu’aurait aussi reprise Glen Dash ? L’idée est saugrenue, car Pétrie est réputé pour l’extrême précision de son travail d’arpentage et de métrologie. Mais lorsque Legon à publié ses découvertes, Google Earth n’existait pas et il était difficile de vérifier, ne serait ce que pour s’assurer qu’il n’y a pas de grosses erreurs.

Vérification du plan de Pétrie

J’ai donc essayé de voir si ce plan théorique colle avec la réalité observable depuis Google Earth, dont je rappelle l’extrême fiabilité si l’on sait s’en servir.

Pour faire cette vérification, j’ai utilisé le point GPS d’une précision centimétrique déterminée par Glen Dash, (29,97918214° N, 31.134198 E). Une fois ce point posé sur Google Earth, il est possible de retracer le contour de la grande pyramide et de projeter toutes les distances de Pétrie jusqu’à Mykérinos. De cette opération émerge une erreur. En effet, d’après les données de Pétrie et Dash, depuis le coin Nord-Est de Khéops jusqu’au coin Sud-Ouest de Mykérinos il y a 1172,3 m pour un azimut de 39,24°. Or si l’on trace cette ligne on n’arrive pas sur le coin de la pyramide de Mykérinos, mais environ 4 m trop à l’Ouest et 2,5 m trop au Nord. Voir image ci-dessous.

On peut aussi partir du point GPS du centre de la grande pyramide. En théorie, la distance est de 1010 m pour un angle 218,32° par rapport au Nord. Or nous observons aussi que nous ne tombons pas sur le coin de la pyramide de Mykérinos.

J’ai essayé de vérifier, de revérifier en utilisant toutes les orthophotos proposées par Google Earth, et rien n’y fait, il semble bien qu’une erreur se soit glissée ici dans le plan initial de Pétrie. Cela est très fâcheux, car tout chercheur que nous sommes, nous ne pouvons pas travailler facilement pour essayer de déterminer les dimensions exactes et la géométrie qui sous-tend le plan du plateau de Gizeh. Cette erreur de quelques mètres (2,5 à 5 m représente 5 à 10 coudées) devient très significative.

Comment expliquer une telle erreur ? Le plan théorique de J AR Legon semble d’une très grande cohérence, il parait peut probable qu’un tel plan se dessine au hasard d’une erreur du plan de Pétrie. Sauf si Pétrie, pour la réalisation de son arpentage à utilisé des modules carrés et aurait oublié d’apporter une correction lorsqu’il a transposé ses résultats. Il ne s’agit là que d’une hypothèse. Quoiqu’il en soit, l’erreur est clairement décelable. Même si la pyramide de Mykérinos est très endommagée, il reste encore des blocs de parement à sa base permettant de vérifier qu’il y a bien un problème.

Un début d’explication

Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ! Alors que je sais très bien que sur une sphère les angles ne sont pas les mêmes si on les mesure dans un sens ou dans l’autre sur de longues distances. Sur des petites distances de l’ordre de quelques centaines de mètres à 1 kilomètre, même si les angles semblent identiques dans un sens et dans l’autre, il y aura malgré tout une déformation de la géométrie. En clair, il est impossible de transposer un plan sur la terre en conservant les angles et les distances. Et même à l’échelle du plateau de Gizeh, cela n’est pas négligeable. Donc, si Pétrie a réalisé ses mesures sans tenir compte de l’effet de courbure terrestre (ce qui était une pratique courante à son époque), il est possible d’observer des écarts significatifs entre un carré plan et un carré posé sur notre terre ellipsoïde. Je vais proposer une vidéo pour illustrer cela plus concrètement.

Conclusion :

Une sorte d’erreur semble bien s’être glissée dans le plan de Flinders Pétrie, au moins pour la pyramide de Mykérinos. Cette dernière semble plus à l’Est et plus au Sud que ne le propose le plan de Pétrie. L’erreur est de l’ordre de 2 à 5 mètres tout au plus. Mais elle n’est pas négligeable. Google Earth offre une précision bien moindre sur cette zone géographique, de l’ordre de 1 mètre((THE PRECISION OF GOOGLE EARTH MAP ANALYSIS WITH THE COORDINATES OF IGS STATIONS, Xuwang Wang 1, Fan Wang 2, The International Archives of the Photogrammetry, Remote Sensing and Spatial Information Sciences, Volume XLII-3/W10, 2020 International Conference on Geomatics in the Big Data Era (ICGBD), 15–17 November 2019, Guilin, Guangxi, China)). Il est très peu probable que l’erreur vienne de Google Earth, car l’erreur est visible, quelles que soient les orthophotos que nous utilisons. Nous attendons d’avoir des remarques d’autres passionnés ou géomètres experts sur le sujet. Nous examinerons le cas de Khéphren dans un prochain article.

RESSOURCES UTILES :

Fichier Google Sheets avec les coordonnées de Pétrie et Dash.

Plan du plateau de Gizeh par Pétrie (Logiciel libre Géogébra).

Vidéo ou j’explique comment l’on peut tenter de vérifier le plan de Pétrie depuis que Glen Dash à donné les coordonnées exactes de la grande pyramide.

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3 Commentaires

  1. Sujet intéressant en effet, si une erreur est avérée il y a de quoi en débattre pour voir comment la rectifier.
    Je ne suis pas géologue mais le socle rocheux du plateau de Gizeh aurait il pu produire des variations suite à des phénomènes climatiques, dilatation, rétractation ?
    Quand on parle de mesures et d’arpentage, l’avis des géologues et géomètres me semble nécessaire car si le sol bouge les pyramides bougent avec probablement ?
    La question est à poser.

  2. Je ne suis pas sûr que la coudée royale était en vigueur sur le plateau de Gizeh, il me semble qu’elle est apparue beaucoup plus tard pendant la réforme égyptienne.
    Quoiqu’il en soit, chaque chantier avait, il me semble, ses propres coudées d’une pyramide à l’autre, mais la différence apparait aussi en mètre dans le sujet donc ce n’est pas l’origine du problème.
    Je n’ai pas de réponse, hélas.

  3. Dans la conclusion il est écrit “Il est très peu probable que l’erreur vienne de Google Earth, car l’erreur est visible, quelles que soient les orthophotos que nous utilisons” .
    Attention, ce n’est pas si sûr…
    Le département américain utilise un logiciel de calcul pour corriger la courbure de la terre.
    Le système GPS mesure le temps propre par des horloges situées à 20000 m d’altitude, cette différence avec le temps mesuré à la surface de la terre est de l’ordre d’un milliardième, soit 30 centimètres chaque seconde.
    Pour Google Earth je ne connais pas cette mesure mais elle joue sur la qualité du positionnement pour corriger le champ gravitationnel de la terre car il y a bien une différence entre le temps propre en altitude et le temps propre à la surface de la terre, à cause du champ gravitationnel. Ensuite je ne sais pas s’il existe des distorsions ou autre phénomènes pouvant produire des dérives sur un barycentre.

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