Résumé :

Le pied romain est une des unités de mesure anciennes les plus répandues en Europe. La longueur de ce dernier est parfois difficile à déterminer. Les spécialistes qui se sont penchées sur la question ne parviennent pas à s’accorder avec une extrême précision. Les évaluations des uns et des autres varient certes très peu (entre 29,44 et 29,7 cm), il n’en demeure pas moins que ces variations parfois étonnantes interpellent, car l’écart entre les étalons pourrait varier de 29,2 à 29,9 cm. Est-ce que les Romains, dont on connait pourtant l’extrême rigueur avec laquelle ils ont construit des aqueducs, en respectant une pente d’une quinzaine de cm par kilomètre, étaient incapables d’avoir un étalon de mesure fiable ? La réponse est non. Les Romains étaient bien capables de conserver des étalons précis et de les répandre en Europe.
Nous avons fait un tour d’horizon des différents auteurs qui se sont intéressé à la mesure du pied romain. Ce travail permet de comprendre que le pied Romain trouve son origine dans des mesures bien plus anciennes telles que la coudée de Nippur et la coudée royale Égyptienne. Il est possible de redéfinir assez précisément la valeur linéaire du pied Romain à partir de ces références dont tout indique qu’elles sont en relation avec des paramètres géodésiques et numériques très précis.
Nous pouvons aussi constater que les variations du pied Romain sont des ajustements qu’utilisèrent les arpenteurs et géomètres. Le pied romain linéaire mesure 29,622 cm, tandis que des pieds que nous pouvons appeler pied d’arpentage peuvent mesurer 29,57 cm, ou 29,67 cm, pour des raisons bien précises qui dépendent de ce que l’on souhaite mesurer ou arpenter. Les romains, comme d’autres arpenteurs les précédant utilisaient des nombres entiers pour tracer les carrés et diagonale de leur figure. Ce faisant, il pouvait réduire des nombres irrationnels tel que la racine de 2 à des rapports simples en nombre entier. Pour cela, il réduisait sensiblement la longueur linéaire d’origine du pied.
Le pied odométrique mesurait quant à lui autour de 29,45 cm. Il servait à mesurer les distances itinérantes avec des roues dont le périmètre était calculé en utilisant deux fractions du nombre PI. C’est cette différence entre les fractions 22/7 et 25/8 qui explique le pied de 29,45 cm que l’on retrouve chez les Romains.

Par Quentin Leplat, avec la collaboration de Eric Charpentier.

Tableau synthétique de la valeur du pied Romain par auteurs.

Réflexions sur ces variations linéaires :

La majorité de ces auteurs ont constaté des variations importantes du pied Romain. Ce dernier pouvant varier entre 29,2 et 30 cm. Malgré cela, tous s’accordent sur une mesure comprise entre 29,4 et 29,7 cm. Pour beaucoup d’auteurs, le pied aurait varié au cours de l’histoire, avec un pied néo-romain plus long pour les uns ou plus court pour les autres.

Pour simplifier, il y a deux tendances fortes qui proposent d’établir la valeur antique du pied Romain autour de 29,4 cm ou de 29,6 cm…
Mais si l’on affine un peu plus la lecture de ces auteurs, il en ressort 4 ou 5 tendances sur lesquelles plusieurs auteurs se sont globalement rangées. Ainsi, Canina semble avoir convaincu Desjardins, Gosselin ou encore Aurès de la valeur d’un pied de 29,63 cm. D’un autre côté, les travaux menés au début du 18ème siècle par Rapper semblent être confirmés par l’allemand Hultsch, et les Français Gérard Chouquer et François Favory. Ces derniers y voient un pied Romain mesurant 29,57 cm. D’autres auteurs, tels que Reguin préfèrent un pied plus court de 29,44 cm qui pourraient se confondre avec le pied Punique. Une dernière tendance consiste à relier le pied Romain à d’autres mesures bien connues. C’est le cas de Berriman, Rottlander, Schilbach, Jomard, Leplat pour lesquels le pied romain trouve sa source auprès d’autres unités de mesure antérieures. Ces derniers auteurs l’évaluent autour de 29,62 cm. Enfin, certains auteurs se rapprochent de 29,7 cm, c’est le cas de Hocquet, De la Hire, Réguin (pied néo romain).

Une autre option n’est pas envisagée, pourtant, elle est pertinente. Les Romains pourraient avoir utilisé volontairement plusieurs pieds en fonction de ce qu’ils mesuraient. Cela peut sembler étrange au premier abord, mais lorsque l’on pratique l’arpentage, il faut souvent jongler entre le côté et la diagonale d’un carré. Or, le rapport entre le côté et la diagonale d’un carré étant un nombre irrationnel (√2 = 1,41421…), les anciens arpenteurs ont souvent tenté de l’approcher avec des fractions telles que 7/5, 10/7, 17/12, 24/17, 41/29… Ce sont ces approximations qui peuvent expliquer l’existence de plusieurs pieds Romains, et c’est ce que nous allons proposer. Mais avant cela, il nous faut définir un étalon linéaire de départ, à partir duquel d’autres furent déployés en fonction de l’usage technique.

Lire l’article dans son intégralité ici.