Cet article à pour but de rappeler quels sont les principes de la première métrologie de l’histoire. Cela permet aussi corriger des idées reçues en matière de métrologie historique.
L’origine des mesures n’est pas anthropomorphique, mais géométrique, mathématique et géodésique. La façon dont les mesures furent pensées dans un lointain passé est bien plus sophistiquée que la pensée moderne qui à définit une mesure de manière arbitraire. Les mesures antiques sont pensées pour présenter entre elles des relations géométriques, proportionnel et numériques qui font sens dans la pensée ancienne.
Idée reçue n° 1 : Les mesures étaient établies sur le pied d’un roi !
L’erreur la plus courante est de croire que les mesures anciennes sont étalonnées sur les dimensions anthropométriques d’un Roi ou d’un Pharaon. La mesure étant la base de toute société organisée, il est impensable que les Égyptiens, les Grec, les Sumériens, les Romains aient du étalonner leurs étalons sur le coude des rois se succédant. La mesure exacte est nécessaire à l’équité des échanges commerciaux, elle est aussi nécessaire à l’emploi d’une technologie précise. Toutes ces cultures antiques étaient dotés d’une solide organisation sociale, de compétences en architecture, de connaissances astronomiques…. ils ne pouvaient le faire en utilisant une métrologie grossière. Il est évident que dès la naissance d’une civilisation, le souci de disposer d’une mesure étalonnée est une préoccupation majeure.
Le « pied » par exemple, pour Jean Claude Hocquet (métrologiste historique), il ne s’agit pas d’une mesure anthropomorphe au prétexte qu’on l’appel le « pied ». La notion de « pied » est à comprendre, comme ce qui est le socle, la base, le fondement où prend appui la construction et la société. (Que sais je. La métrologie historique, Presse universitaire de France, page 43, 44, 49). Et il poursuit en expliquant que le « pied » est une unité métrique de longueur qui tire son origine de la géométrie et de l’arithmétique.
Il illustre son propos en expliquant qu’entre différentes mesures du pied, on trouve des relations de proportion telles que le triangle 3, 4, 5, le triangle 5, 12, 13, le triangle 8, 15, 17, mais aussi le triangle 7, 24, 25. On peut aussi trouver des rapports tel que 99/70, 58/41, 41/29, 24/17, 17/12, 10/7, ou 7/5 car ces derniers sont des rapports approchés de la √2 qui permet de connaitre la diagonale d’un carré.
Un autre métrologiste historique, Livio C. Stecchini, propose qu’il y a des rapports sous forme de suite numérique entre les différentes mesures antiques du pied. Une des suites remarquables est celle qui relie par des rapports de 15, 16, 17, 18 les pieds antiques les plus connus. (A history of Measures, by Livio C. Stecchini). Par exemple, le pied Romain mesure 16 doigts de 1,8522 cm, et le pied Drusien mesure 18 doigts, c’est à dire 33,33 cm, c’est ce pied que Charlemagne voulu instaurer notamment en France sous son règne.
On peut aussi citer le rapport connu et admis par tous les métrologistes entre le Pied Romain et le Pied Grec qui est un rapport de 24 à 25, mais aussi le rapport de 61 à 60 entre le pied Grec et le Pied Minoen. J’ai quant à moi démontré que la coudée de Nippur et la Coudée Royale Égyptienne entretenaient un rapport de 99 à 100. Il existe un rapport de 25 à 26 entre la coudée de Nippur et la coudée Noire, que j’appelle la coudée Nilométrique et qui est celle employée pour la pyramide de Khéphren. (voir publication à ce sujet). Il existe aussi un rapport de 24 à 25 entre la coudée de Gudéa (49,77cm) et la coudée de Nippur (51,84), qui sont deux mesures issues d’une même culture Sumérienne.
Ces rapports entre des mesures proches fonctionnent avec deux nombres entiers qui se suivent.
- Coudée Sumérienne de Gudéa 49,77 cm = 24 pouces mégalithiques de 2,0736 cm
- Coudée Sumérienne de Nippur : 51,84 cm = 25 pouces mégalithiques de 2,0736 cm
- Coudée Égyptienne Nilométrique : 53,93 cm = 26 pouces mégalithiques de 2,0736 cm
Si en effet, on emploi le terme pied, coudée, palme et pouce pour déterminer les mesures linéaires, c’est plus par soucis de représentation concrète, de sens et d’harmonie entre la mesure, l’humain et son environnement. C’est aussi une façon de diviser la mesure par des ordres de grandeur perceptible.
Idées reçue n° 2 : Les mesures sont divisées dans un seul système, décimale, binaire ou sexadécimale.
On croit que les Égyptiens divisaient la coudée en 7. Ce qui est vrai, mais ils combinaient cette division septénaire avec la division binaire. Ainsi, un doigt pouvait se diviser en 2, 4, 8, 16 ou 32 lignes. Mais plus étonnant, les Égyptiens utilisaient aussi la base décimale, puisque si on enlève 1/100ème à la coudée Royale on obtient la coudée de Nippur. Ou encore parce que les Égyptiens utilisaient une mesure de longues distance qu’on appel « Iteru » et qui vaut 20000 coudées royales. On pourrait parler des Mayas qui maniait la base 20 comme la base 60 avec aisance dans leur calendrier.
Au lieu de diviser la mesure en base décimale abstraite, on divisera la coudée en 7 palmes, puis en pouces ou en doigts.
- Toise ou brasse = 6 pieds = 4 coudées = 2 yards (1/6 ; 1/2 ; 1/2)
- Un pas = 2,5 pieds (2/5)
- Un yard = 2 coudées (1/2)
- Une coudée vaut 1,5 pieds (3/2)
- Un pied vaut 12 pouces, et chaque pouce vaut 12 lignes (le pied est parfois divisé en 16 ou 18 doigts)
- Un doigt = 2/3 de pouce
On constate que les mesures sont divisés par des nombres simples et entiers. Il s’agit ici de la base de la métrologie antique. Le mètre est une mesure qui se divise en utilisant une base décimale, mais les unités antiques, se divisaient en base septénaire (Coudée Royale Égyptienne), en base 6 ou 12. On observe aussi des modes de division par 2, 4, 8, 16, 32 …. notamment sur la coudée Royale Égyptienne.
Parmi les ratios en nombre entier, on sait que certains rapports sont employées car ils renvoient à des figures géométriques fondamentales. Nous avons cité le carré, et les triangles Pythagoriciens, mais on peut aussi ajouter la suite de Fibonacci comme le fait remarquer Jean Claude Hoquet à la page 18 de son ouvrage de référence.
« La suite de Fibonacci est importante en métrologie, car elle est liée au nombre d’or si présent dans la géométrie et donc dans l’architecture » (Que sais je. La métrologie historique, Presse universitaire de France, page 18)
Il n’est donc pas étonnant de retrouver des rapports métrologiques qui reposent sur la suite de Fibonacci, tels que
- 1 sur 2
- 2 sur 3
- 3 sur 5
- 5 sur 8
- etc….
Le cercle est aussi une figure géométrique employée en métrologie. Le rapport entre le diamètre, le périmètre ou une fraction de l’arc de cercle permet de passer d’une unité à l’autre. Le cercle est aussi une figure fondamentale, car elle renvoi à l’astronomie et la géodésie. C’est en divisant la circonférence de la terre en 360°, puis en minutes d’arc qu’on obtient par exemple le mile nautique de 1852,2 mètres. Nous pensons que l’idée d’étalonner la mesure sur un étalon invariable qui serait la taille de la terre est un concept moderne. La réalité est tout autre, il y a bien longtemps que les humains ont décidés d’appuyer leurs mesures sur la taille et la forme de la terre.
Idée reçue n° 3 : Autrefois, il y avait eut une multitude de mesures locales aléatoires.
ll s’agit là encore d’une idée reçue qui existe parce que les personnes qui expliquent cela ne se sont pas donné la peine d’essayer de comprendre si les mesures en apparence différentes ne sont tout simplement issue d’une seule et même mesure.
Par exemple, le pied ci contre de 31,385 cm, est probablement issue de la coudée Royale Égyptienne, puisque ce pied mesure 3/5ème de coudée Royale à 99,9%. Quant à la mesure de 66,69 cm, elle vaut 4/PI coudée royale à 99,96%.
Des ajustements locaux par exemple de ± 1/24ème, servent à rétablir une sorte de taux de change commerciale entre différentes régions. La mesures linéaires, déterminant les poids et le volumes, avec de petits ajustements sous forme de fraction en nombre entier servent à maintenir une équité commerciale.
De plus, cette situation connue en France d’une grande disparité de mesure n’existe pas en Angleterre ou l’on sait que depuis au moins l’époque médiévale, le pied anglais de 30,48 cm fut employée partout, durant au moins un millénaire avec une précision remarquable.
Nous avons le même exemple avec le pied Romain qui fut employée avec une très grande précision pendant près de 1500 ans encore après l’empire Romain, y compris en France ou le pied Romain est employée dans la construction de nombreuses églises et cathédrales. Plus étonnant encore, le pied romain est employé sur des villages protohistorique du Vème millénaire avant notre ère. (MÉTROLOGIE AGRAIRE ANTIQUE ET MEDIEVALE : Essai sur la métrologie du site protohistorique dit « Le Port » à Salsces le Château (66) (Vè S.av JC) Daniele UGOLINI. Presse Universitaire Franc-Comtoise ISBN 2-84867-020-7, page 27-32). Dans ce même ouvrage, une étude sur le module agraire des Ibères suggère que ces derniers 3000 à 5000 ans avant notre ère utilisaient une coudée de 52,5 cm….. mesure arrondie au 1/10ème de mm car il n’est pas possible d’être plus précis avec les données de terrain. Comment ne pas y voir la coudée royale.
Ce que l’on constate, c’est que la métrologie est quelque chose de précis, qui traverse les siècles, voir les millénaires. Une mathématicienne, Magdeleine Motte à également démontré à partir d’un traité d’arpentage du 14ème siècle, que la très ancienne mesure du yard mégalithique de 82,93 cm s’était propagée dans le temps jusqu’à cette époque là. Elle a étudié la métrologie dans la région Languedoc Roussillon et constaté que ces différentes mesures étaient en faites reliée à une très ancienne mesure qui est le yard mégalithique. (MOTTE M, 2009, La cana e lo destre. Essai métrologique des pays occitans de la préhistoire au XVIIIème siècle. Edition de la maison des sciences de l’homme).
Idée complétement occultés par les historiens : Les mesures anciennes reposent sur la géodésie de la terre.
La métrologie antique, en plus de reposer sur des principes arithmétiques et géométriques, repose sur de la géodésie terrestre.
Citons les propos de Jean Claude Hocquet :
La coudée Rémen de 37 cm, mesurée entre l’extrémité du pouce et le coude, était déjà utilisée par les Babyloniens dans la mesure de la circonférence terrestre, avant d’être adoptée par les Égyptiens, puis les Grecs.
La mesure exacte de la coudée Rémen est de 37,03 ± 0,01 cm. Multiplié par √2 elle délivre 52,36 ±0,01 cm, la coudée royale égyptienne. On sait aussi que 8 coudées Rémen sont égales à 10 pieds Romains. Le rapport entre le pied romain et le mètre est un rapport de 8 à 27, et de fait, 27 coudées Rémen mesurent 10 mètres avec une précision qui permet de montrer les liens entre ces mesures qui n’ont a priori aucun rapport mais qui repose sur des principes géométriques et arithmétiques découvert par les métrologistes au cours de ces deux derniers siècles. Ces 3 mesures que nous venons de citer sont étalonnées sur la taille de la terre, puisque le doigts Romain mesure 1/100 000ème de minute d’arc moyen de la terre, mais aussi que la coudée Rémen mesure 1/500ème de cette minutes d’arc.
Tout chez les Romains montre que leur mesure est calé sur les dimensions de la terre :
- Une minute d’arc terrestre de 1852 m = 10 stades romain.
- Une lieue romaine de 2222,5 m = 1/50ème du degrés de méridien.
- Un mile romain de 1481 m = 1/75ème du degrés de méridien.
Idée reçue n°3 : Il n’y aurait qu’une seule unité de mesure employée sur un chantier à l’époque antique et ou médiévale.
Une autre idée reçue qu’il faut balayer, c’est de croire que pour construire les temples, églises, pyramides et les systèmes mégalithiques, les peuples n’utilisaient qu’une seule unité de mesure. Il s’agit de la plus grosse lacune de notre vision de la métrologie historique. En effet, pour nous humains du 21ème siècle, envisager de construire un monument majeur en utilisant plusieurs unités de mesure n’a aucun sens. (quoi que, les automobiles modernes se mesurent en mètre pour l’empattement et en pouce pour le diamètre des roues). Globalement, l’usage de plusieurs mesures ne répond pas à nos critères économiques de construction et de communication. Notre pensée rationnelle, cartésienne, économique n’est pas adaptée pour comprendre la métrologie préhistorique qui a dominée jusqu’à l’émergence progressive de la pensée scientifique à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle. On sait parfaitement qu’avant, les gens utilisaient différentes unités de mesure selon ce qu’ils mesuraient et que ces mesures n’étaient pas forcément issue d’un seul et unique étalon. On retrouve même encore de nos jours ce phénomène, puisque pour une voiture, les roues sont mesurées en pouces et le reste du véhicule en mètre. Il en est de même pour l’informatique ou les écrans sont mesurés en pouces, ou dans l’aéronautique ou l’altitude est mesurée en pied anglais par exemple.
L’un des plus grand métrologiste historique, R C A Rottlander avait envisagé et compris que plusieurs unités de mesure pouvaient être employées pour la construction d’un monument. (Deux unités de mesure sur un bâtiment? Les numéros annuels de l’Österr. Archéologue. Volume principal de la feuille de l’Institut 60 (1990) 1941 )
L’usage des nombres pour expliquer le monde est la base de l’école des Pythagoriciens. Ce dernier qui a passé de nombreuses années en Égypte, il s’est formé au contact des derniers érudits Égyptiens. Cette science au moyen age est appelé le quadrivium, elle embrasse les nombres, la géométrie, l’astronomie et la musique qui représente le déroulement des nombres dans le temps.
L’intérêt de concevoir un objet qui se mesure en nombre entier de plusieurs unités de mesure différentes, c’est de pouvoir intégrer plus d’information dans la mesure. C’est une façon de lui donner du sens. Nous connaissons des exemples qui consistent à exprimer des cycles astronomiques en nombre entier, l’on peut citer la machine Anticythère qui est un assemblage d’engrenage simulant la course des astres dans le ciel. Mais on peut aussi le faire en traçant une ligne que l’on va mesurer en différentes unités de mesure.
Prenons un exemple, si je trace une ligne de 10,783 mètres, elle vaut 13 yards mégalithique ou 20 coudées « noire » (dite Nilométrique). Soit un rapport de 13 à 20 qui est inscrit dans cette mesure par l’intermédiaire de deux nombres entier. Ce rapport de 13 à 20 peut renvoyer à un calendrier. C’est une façon de compter le temps en 13 mois de 20 jours comme le faisait les Mayas par exemple. Or cette ligne de 10,783 mètres, c’est une référence à la base de la pyramide de Khéphren dont la 1/2 base mesure justement 107,83 ± 0,035 m.
Nous pouvons aussi citer la grande pyramide de Gizeh dont la hauteur de 280 Coudées Royales la diagonale de la base 622,25 de large se mesure aussi en Coudée de Nippur, donnant alors 282,8 Cn et 628,5 Cn. Soit 200x√2 et 200xPI. (Voir article ici)
Nous avons d’autres exemples extraordinaires de l’existence de ces principes. Le cercle intérieure des pierres de Stonehenge à été mesuré avec précision par F Pétrie. Le cercle mesure exactement 29,66 mètres, cette mesure vaut 89 pieds métrique de 33,33 cm et 55 coudée « noire » dite Nilométrique de 53,93 cm, Soit un rapport en nombre entier de 89/55 qui vaut 1,618, car ces deux nombre 89 et 55 font partie de la suite de Fibonacci.
Le cercle de Stonehenge présente comme unité de mesure improbable le mètre ! Il faut être aveugle (ou aliéné) pour ne pas le voir. Le premier cercle intérieure à un diamètre en nombre entier de 12 mètres. Le périmètre extérieur mesure 100 mètres…. le périmètre intérieur mesure un nombre entier de pied métrique de 33,33 cm….
Conclusion :
La métrologie historique est bien comme l’écrit Jean Claude Hocquet une voie nouvelle de la recherche en histoire. En étudiant la mesure des différentes civilisations on peut établir qu’il y a eut des échanges entre ces civilisations. La mesure permet de rendre objective des hypothèses que les archéologues et historiens s’efforcent de démontrer avec des méthodes plus subjectives, en comparant l’art, la forme des vases ou la ressemblance de l’écriture par exemple.
Nul n’entre ici s’il n’est géomètre. La mesure est le fil conducteur de notre histoire, elle est le socle de la civilisation et de la connaissance.
L’étude des mesures permet de comprendre le niveau de science des anciennes civilisations, mais aussi de comprendre qu’il y avait des relations ou une transmission de ces connaissances a travers l’espace et le temps bien au delà de ce que nous imaginions.
Le modèle insurpassable pour les Anciens, c’est la terre, le Cosmos : que la mesure soit adossée à ce modèle est parfaitement logique. Cependant le Cosmos est animé, il est une entité à part entière mue par un souffle dont la vie, l’incarnation, régies par les cycles sont la manifestation. Corps humain et cosmos sont l’expression d’une seule et même totalité, ils sont indissociables.
L’idéogramme qui signifie ‘avant-bras’, ‘coude’, ‘coudée’ en sumérien archaïque représente un quadrillage de 3 lignes perpendiculaires : ce n’est en aucun cas un pictogramme sur lequel on reconnaîtrait un avant-bras. Cet idéogramme illustre le fait que la mesure dès l’invention de l’écriture procède du concept de quadrillage, pas d’une partie du corps humain quoique elle en garde le nom.
signe n° 318 du Manuel d’épigraphie akkadienne de René Labat, p.144.
La coudée de Gudea de 49,77cm que vous mentionnez est-elle établie sur une mesure ou sur un calcul ? Quelle mesure ou quel calcul ?
La mesure-concept suppose un patron-standard ainsi qu’une autorité politique et administrative pour appliquer le standard. L’architecture monumentale dans laquelle on retrouve ces patrons métrologiques témoigne en effet d’un pouvoir très structuré. Il faut cependant bien distinguer les mesures savantes aboutissant à un système de poids et mesures standard de mesures d’usage courant, les premières gardant dans leur nom la trace de repères plus anciens et plus immédiatement disponibles basés sur la morphologie humaine, je pense aux mesures itinérantes par exemple.
Si la mesure de l’espace et du temps est déduite de l’observation et de l’analyse de la terre et de l’espace, elle est aussi adossée à l’anatomie et à l’observation des cycles de fertilité annuelle (terrestre) et humaine (féminine). La terre et la femme se superposent dans les cultes antiques, la déesse mère est la synthèse des deux cycles.
Le terme d’une grossesse est de 39 à 41 semaines d’aménorrhée, le terme moyen est donc de 40 semaines. Le seuil de prématurité est de 36 semaines. La modélisation géométrique du cercle est ancrée sur les deux partitions, l’une quaternaire 1 = 4, les points cardinaux, l’autre ternaire 1 = 3, sénaire puis sexagésimale 1 = 6 = 60 = 360 = 3 600 = 216 000…, cours du temps. Le cercle comme une grossesse, c’est 36 ou 40.
Si la hauteur de la grande pyramide est de 280 coudées, cette mesure pourrait très bien renvoyer au terme moyen d’une grossesse de 40 semaines soit 280 jours.
La terre est un corps céleste, les anciens la modélisent aussi à partir du corps humain. A Sumer, TI signifie à la fois côte et membrure de char, de bateau… Or les Sumériens voyaient la terre comme un bateau (les assyriologues parlent de ‘dieu-bateau’), c’est en effet notre vaisseau spatial, l’image est d’une modernité stupéfiante. Le corps de la terre est donc ‘charpenté’, c’est à dire structuré, modélisé comme le corps humain et comme la coque d’un bateau. Un corps humain compte 12 doubles côtes, le corps-bateau de la terre 12 côtes de 30 degrés de longitude, 12 fuseaux (BAL en sumérien, la morphologie du signe est presque semblable à celle de TI) double-horaires.
La mesure est en effet le socle de notre civilisation, elle est l’outil de la domination autant que celui de l’équité et de la stabilité. En sumérien, le même mot signifiait aimer et mesurer. La mesure est la colonne vertébrale de notre organisation sociale puisque du patron métrologique dépend tout le système de poids et mesures et au bout de la chaîne, la monnaie puisqu’un poids donné d’un métal précieux donné fixait tout le système de valeur des échanges jusqu’à la désindexation récente de la monnaie.
Comprendre la nature et l’histoire de la mesure, c’est comprendre la nature de la domination à laquelle nous sommes aujourd’hui comme hier soumis, TABOU.
Bien cordialement,
A-L Le Goff